Dunia, l’appli qui permet de mesurer son empreinte carbone
“On n’améliore pas ce qu’on ne mesure pas”. Nous avons eu le plaisir de faire la rencontre de Julien Derville, fondateur de l’application Dunia, une application mobile qui permet aux particuliers de mesurer leur empreinte carbone pour apprendre à réduire leur impact environnemental.
Pouvez-vous nous en dire plus sur Dunia ? Comment est né ce projet ?
En 2019, je suis tombé sur des calculateurs d’impact où il faut répondre à une dizaine de questions afin de découvrir son impact. J’ai trouvé ça génial ! On comprend que tout ce qu’on fait dans notre vie et chacun de nos gestes, a un impact. J’ai eu un réel coup de foudre pour ce concept, mais je me suis vite rendu compte qu’il y avait quelques défauts. En effet, il manquait deux choses. Tout d’abord, j’ai pu avoir mon empreinte environnementale mais je n’ai rien reçu concernant les solutions pour agir en fonction de cela. Pourtant, il y avait beaucoup de choses à me dire, notamment sur la mobilité. J’étais donc un peu déçu car ce n’était pas personnalisé et aucune solution n’était proposée pour réduire mon impact. La deuxième chose que j’ai ensuite observée, c’est que je n’avais rien pour suivre l'évolution de mon impact. Pour retrouver mon score, il fallait donc potentiellement refaire le questionnaire. Ce qui est dommage car les gens apprécient de suivre leur évolution, comme par exemple dans le sport où ils peuvent observer leur amélioration sur le mois. Et ça, ça n’existait pas sur le sujet de l’impact environnemental.
Un jour j’ai vu dans une publication sur Linkedin, une personne qui montrait sa tête à côté de sa carte bancaire en disant “si vous en avez marre que tout le monde mette la faute sur le gouvernement et les entreprises, en tant que particuliers, on a tous le pouvoir d’agir.” C'était une évidence pour moi : tout passe par l’esprit monétaire et là où on achète. J’ai pensé que ça serait génial de pouvoir calculer l’impact environnemental, puis j’ai découvert l’open banking, qui permet d’accéder aux données bancaires. En voyant toutes ces données bancaires accessibles et en croisant d’autres sujets, je me suis aperçu qu’il était possible de faire un outil de mesure d’impact basé sur les données bancaires. Ainsi, on a créé l’activité en août 2020, et l’application Dunia a été officiellement lancée le 1er Décembre 2020.
En quoi votre application s’inscrit-elle dans une démarche de consommation responsable ? Concrètement comment Dunia aide le monde à aller mieux ?
Je ne sais pas si on aide le monde à aller mieux mais ce qui compte, c’est d’y contribuer comme Obvy, à notre échelle. Là où est utile Dunia, c’est que l’application permet de prendre conscience de son impact à travers la mesure, pour pouvoir agir. Notre objectif est donc d’aider le plus grand nombre à mesurer son impact dans le but de le réduire. William thomson le dit : “On n’améliore pas ce qu’on ne mesure pas”. Ce qui est vrai et faux puisqu’on peut tout de même améliorer ce qu’on ne mesure pas, mais c’est plus facile de savoir où est-ce qu’on doit concentrer ses efforts lorsque l’on mesure. De plus, le fait de suivre ce résultat aide à se mettre dans l’énergie de progression.
Aussi, dans Dunia, il y a des défis. En effet, on donne plein de petites astuces, la seconde main en fait partie, mais il y a une centaine d’autres solutions qui permettent d’agir pour réduire son impact. Nous ne sommes donc pas une solution directe mais on essaie d'être un outil et de mettre en avant les entreprises qui proposent des solutions.
Dunia est un peu considérée comme un coach écologique de poche. Comment fonctionne l'application ?
Le parcours d’inscription est simple, il faut indiquer un prénom et un numéro de téléphone pour faire l’authentification. Ensuite, l’étape la plus compliquée pour une partie de nos utilisateurs, est de connecter leur compte bancaire à notre application. L’opération est facile, mais ça demande énormément de confiance. Aujourd'hui tout le monde ne le fait pas et je le comprends. Le principe est le suivant, l’utilisateur connecte son compte bancaire et ensuite la banque que l’utilisateur a connectée va nous envoyer chacune de ses transactions. Typiquement, s'il effectue une transaction sur Leboncoin, ou sur Paruvendu par exemple, nous sommes notifiés, on a le libellé et le montant. A partir de ce libellé on va extraire des catégories. Par exemple, si l’utilisateur va chez Total, la catégorie sera “carburant”, puis de cette catégorie nous allons estimer un impact associé en se basant sur des données Open Source.
L’ADEME va nous dire par exemple 1 litre de Diesel en moyenne c’est x kilos de CO2, donc nous on va regarder le prix de l’essence et on va faire un ratio monétaire de carbone. Ainsi, 1 euro dépensé dans la catégorie "carburant" équivaut ici à 2,25 kilos de CO2 par exemple. Au total nous avons 150 catégories, certaines catégories sont plus précises que d’autres, par exemple le carburant fait partie des catégories relativement précises, l’électricité également, vu qu’on sait assez précisément la quantité d’énergie qui est utilisée par un foyer… par contre sur l’alimentation, par exemple sur le supermarché c’est un petit peu moins précis. Effectivement on ne sait pas exactement ce que met l’utilisateur dans son caddie, on peut très bien acheter 100 euros de steaks ou 100 euros de pommes et ça n’aura bien évidemment pas le même impact. C’est pour cela que dans le parcours d’inscription on demande à l’utilisateur de renseigner quelques informations supplémentaires, notamment son régime alimentaire, sa gestion du “zéro déchet” pour essayer d’affiner au mieux ce score sur l’alimentation. Mais ça reste une estimation.
Nous sommes probablement les simulateurs d’impact les plus précis, on va parfois surestimer l’impact voire le sous-estimer. Puis de fil en aiguille on aura un impact qui va se compenser et qui sera une bonne représentation de l’impact réel. En mathématiques, on parle de taux d’incertitude, nous sommes en train de calculer ce taux d’incertitude avec un mathématicien, il serait de l’ordre de 15-20%. Je souhaite rappeler que ce qu’on fourni c’est une estimation, la réelle empreinte carbone, personne n’est capable de le dire précisément. L’objectif de tous les simulateurs c’est de diminuer au maximum cette incertitude.
Étant donné qu’il faut connecter Dunia à son compte bancaire... une question se pose tout naturellement, comment assurez-vous un niveau de sécurité à vos utilisateurs ?
On passe par un agrégateur qui a le niveau de certification. Il est agréé ACPR banque de France (c’est le niveau de sécurité des banques), c’est un tiers qui va vérifier tous les mois que le niveau de sécurité répond à des critères standards. Toutes les banques ont ces obligations et c’est pareil pour tous ceux qui accèdent à ces informations, comme Bankin’.
Bankin’ va donc gérer toutes les informations qui sont jugées comme très sensibles. Typiquement, l’identifiant et le mot de passe pour accéder à sa banque sont des informations très sensibles et elles sont dérobées, on peut faire des transferts d’argent etc. Nous avons donc choisi la partie BtoB de l’application Bankin’, c’est un produit qui s’appelle “Bridge”. Nous passons par eux car ils assurent déjà plus de 4,5 millions de connexions bancaires. Ils sont leader du marché en France sur ce sujet.
Dunia a été lancée dans un contexte bien particulier… Quel a été l’impact de la pandémie sur Dunia ?
En tant qu’équipe, on a eu très peu d’impact puisqu’on travaille tous à distance : il y en a un qui est à Berlin, une à Amsterdam… On a un fonctionnement déjà très hybride à la base. Mais en effet, le premier confinement notamment, nous a fait prendre conscience de pas mal de choses, par exemple, je n’ai jamais entendu autant parler de ces sujets environnementaux. Et c’est bien parce que ça montre une volonté réelle des entreprises et des particuliers de changer donc ça c’est génial !
Ensuite, dans les faits, parce qu' on arrive quand même à voir ce qu’il se passe à travers les données bancaires, on a pu voir (notamment lors du premier confinement) que le pays était vraiment à l’arrêt et notamment sur la mobilité. La mobilité c’est réellement un vecteur d’empreinte carbone et on a vu que le niveau d’empreinte carbone a complètement chuté. Mais même en chutant complètement et en ayant un pays à l’arrêt, on n'était toujours pas aux objectifs de l’accord de Paris. Tout ceci montre l’énorme marche à franchir tous ensemble pour atteindre les objectifs de 2050.
Vous permettez aux entreprises de faire découvrir leurs services / produits à la communauté Dunia si ces dernières participent à la réduction de leur impact environnemental. Selon vous, comment une entreprise peut-elle réellement participer à la réduction de son impact environnemental ?
Il y a un sujet qui est très important à mes yeux. Il s’agit de faire des produits et services qui soient durables, qui durent dans le temps. Cela signifie qu'ils soient réparables, réutilisables et recyclables.
Pour une entreprise, je pense que c’est un énorme chantier de mettre une croix à l’obsolescence programmée. Ce n’est peut-être pas volontaire mais je pense que les entreprises n’ont pas mis leurs efforts sur ce sujet de la façon dont elles pourraient le faire. Si toutes les entreprises réorientent leurs priorités pour rendre les produits plus durables, étant donné qu’on aura in fine besoin de moins de matière, ce sera déjà beaucoup.
Quelles sont vos actualités et quels sont vos projets pour 2021 ?
Concernant nos actualités sur l’application, dans les prochains jours, l’utilisateur n’aura plus l’obligation de connecter son compte bancaire. On a vu qu’il y avait la moitié des personnes qui ne le faisaient pas donc on veut tout de même leur permettre d’accéder à l’application, aux défis etc... sans être obligés de connecter leur compte bancaire. De plus, l’utilisateur pourra personnaliser ses objectifs. En effet, ce qui compte vraiment c’est le progrès de chacun plutôt que le résultat. Pour cela, ce système où chacun définit sa propre limite, est important pour nous. Initialement, nous avions défini une limite mais ça n’avait pas d’importance puisque par exemple, si une personne a besoin de sa voiture tous les jours mais qu’elle arrive à l’utiliser un peu moins, elle participe à son échelle. Il vaut mieux que tout le monde participe plutôt que quelques-uns qui soient valorisés car ils sont certainement bons sur ces sujets.
Ensuite, à moyen terme on voudrait travailler sur l’aspect communautaire car le sujet de l’écologie c’est un sujet qui concerne un grand nombre de personnes. On réfléchit également aux notes sur les entreprises, de façon à aider les particuliers à mieux choisir chez qui ils consomment. Nous permettons aux particuliers de déceler le vrai du faux parmi les entreprises vraiment engagées de celles qui prétendent l’être etc. Il y a donc une réflexion autour de la manière de donner des indications aux utilisateurs concernant l’engagement des entreprises sur l'environnement.
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